الجمعة، 29 أغسطس 2014

Chakib Khelil, parrain des «barons du sable»





après le gaz et le pétrole chakib khelil baron du baron de sablle
Dix ans que deux familles dénoncent vainement l’exploitation «illicite» d’une sablière dans la wilaya de
Skikda. Malgré les rapports de la wilaya en leur faveur, elles n’ont pas réussi à récupérer leur terrain. Elles accusent «les barons du sable» et l’ancien ministre de l’Energie.

«Vous êtes ici sur un territoire entièrement contrôlé par les barons du sable. Leur zone commence au quartier Jeanne d’Arc, à 2 km de là.» Mohamed Bouaziz, 32 ans, juriste, sait de quoi il parle : c’est lui qui représente les familles Bouaziz et Saâdellah, du arch Boulefrakh. Nous sommes à Filfila, ou Platane, à 20 km de Skikda. Depuis plus de dix ans, ces familles contestent l’exploitation «illicite» d’une sablière qui empiète sur 1,25 hectare de leur terrain familial. Elles accusent l’entreprise Graniski d’avoir contourné l’administration, sous la protection de l’ex-ministre de l’Energie, Chakib Khelil. Selon les documents qu’El Watan Week-end a réussi à se procurer, la décision d’extraction a été signée et délivrée le 8 mai 2001 par Chakib Khelil. La superficie autorisée par l’ex-ministre est de 25 hectares pour une durée de dix années renouvelable. La superficie restante relève à la fois de la propriété privée des certaines familles de Filfila mais aussi de la conservation des forêts de la wilaya de Skikda. Alors que l’activité de la sablière s’est arrêtée et que, selon les habitants sur place, le propriétaire de Graniski, Abdelhafid Boughagha, a disparu peu de temps après le départ à l’étranger de l’ex-ministre, les familles craignent une reprise de l’extraction. Car peu de temps avant son départ, Chakib Khelil aurait, selon Mohamed Bouaziz, obtenu pour l’entrepreneur «un renouvèlement de trois années sur son contrat d’exploitation». «Mais cette fois-ci, promet-il, ça ne se passera pas comme avant. J’emploierai tous les moyens nécessaires pour l’empêcher de mettre les pieds sur notre terrain.»


Abus


Tous les rapports et les procès-verbaux établis par les services de la wilaya parlent clairement d’«illégalité». «Comment est-il possible que l’ex-ministre puisse délivrer une autorisation à une personne physique et non morale ?, s’interroge Mohamed Bouaziz. Et cela, avant même que l’entrepreneur en question ne possède un registre du commerce ? Car, d’après le reçu du Centre national du registre du commerce, l’entrepreneur a déposé le dossier d’acquisition du registre le 30 mai 2001. Cela veut dire que Chakib Khelil est complice dans cette affaire.» Le lieu tel qu’il a été mentionné sur la décision ministérielle, Sidi Merouane, n’évoque ni le nom de la daïra ni celui la commune. «Le nom du lieu n’existe pas en réalité. Il n’apparaît ni sur les schémas habituels ni même sur la carte de l’état-major français que nous utilisons ici pour la localisation géographique de nos zones», lance Mohamed Bouaziz. Des propos partagés par le président de l’assemblée communale de Filfila, Kamel Lekhel : «J’ignore qui et pourquoi ils l’ont nommé ainsi ? Mais je vous confirme que ce nom n’existe pas dans ma commune.» «Notre sablière ne figure pas sur cette liste établie par la wilaya. Et ce n’est pas tout, son nom n’existe même pas dans notre commune. Cela veut dire tout simplement que toute extraction dans notre terrain devrait être considérée comme une atteinte à la propriété privée», s’indigne Mohamed Bouaziz. Les deux familles n’ont pas tardé à réagir, ce qui a poussé la wilaya à mettre en place une commission, le 17 février 2002, neuf mois après le début de l’exploitation par l’entrepreneur, dans le but d’inspecter les lieux. La commission est composée de représentants de plusieurs directions dont les mines et l’industrie, l’hydraulique, la DRAG, deux inspections de l’environnement et celles du travail, de la sûreté de wilaya, de la Protection civile et un représentant du service des conservations des forêts. Dans son procès-verbal de constat (le n°443), la commission conclut : «Les travaux ont été entamés par l’entrepreneur sans l’autorisation des services concernés.»

Injustice


La commission avait aussi rapporté les observations suivantes : «L’étude d’impact sur l’environnement est faite de manière superficielle. L’entrepreneur n’a déposé aucun dossier au service des mines avant l’exploitation de la zone. L’entrepreneur et les services chargés des mines n’ont pas respecté les conditions qui autorisent l’exploitation. L’exploitation était anarchique sans délimitation de superficie d’exploitation par l’entrepreneur, qui n’a pas respecté le schéma 1/5000 (norme géologique, ndlr).» Dans sa conclusion, la commission explique que l’entrepreneur n’a respecté aucune condition de celles énoncées dans la décision (99/802) de la wilaya de Skikda, ni les troisième et quatrième lois de la décision ministérielle. Les membres de la commission ont aussi réaffirmé que la sablière ne figure pas parmi celles autorisées d’exploitation par la wilaya. «La sablière est un ensemble de dunes de sable dont l’exploitation est interdite. Il aurait même fallu renforcer le terrain par le reboisement», conclut encore la commission. Le 11 juillet 2002, l’entrepreneur en question reçoit un courrier émanant des services de conservation des forêts de Skikda, l’informant sur l’instabilité du terrain. Le même service l’informe également qu’il n’a pas le droit d’ouvrir de pistes ni de creuser sans leur autorisation. Dans son rapport, la direction de l’environnement dresse le même constat, en décrivant l’exploitation de cette sablière comme «une menace pour l’environnement», car les travaux ont interrompu des sources d’eau qui alimentent toute la région. «Malgré tous les rapports et les procès-verbaux établis par les services de wilaya et les protestations de la famille, l’entrepreneur a tout de même continué à exploiter la sablière pour une durée de plus de dix ans», s’indigne Mohamed Bouaziz.


Menaces


Comment ? En profitant des conflits familiaux autour du partage des terrains, les entrepreneurs parviennent à développer leur business en entretenant les divergences. «La plupart des terrains ne sont pas encore partagés, ce qui a poussé notre mouvement de protestation à l’essoufflement», ajoute celui dont le nom est connu dans la région pour ses prises de position en faveur des victimes de la hogra, Mohamed Bouaziz s’est attaqué à l’entrepreneur au début de 2011, en bloquant les routes d’accès à l’entreprise. «Je ne suis pas du genre à baisser les bras, mais j’ai été menacé de mort à maintes reprises par l’entrepreneur, et d’emprisonnement par les autorités locales, témoigne-t-il. L’entrepreneur leur disait qu’il avait l’appui de Saïd Bouteflika, le frère du président de la République, et du général chef d’état-major, Ahmed Gaïd Salah.» Mohamed Bouaziz affirme avoir reçu plusieurs propositions, toujours refusées, de pots-de-vin. Il a été reçu par le chef de cabinet du wali, la police, le commandement de secteur de la gendarmerie et le procureur de la République, mais «personne» n’a donné suite à ses requêtes. Mohamed a même été poursuivi en justice pour «occupation illégale de la voie publique». «J’ai été condamné à une amende, j’ai fait appel mais mon dossier a finalement été étouffé. Je pense que c’est parce que j’ai cité des noms qui dérangent.

Je me bats pour la justice et non pour l’argent. Nous revendiquons l’ouverture d’une enquête sur cette exploitation illicite. Que les responsables, notamment, l’entrepreneur et l’ex-ministre, Chakib Khelil, soient traduits en justice pour répondre de leurs actes.» Un village près de la zone d’exploitation vit aujourd’hui sous la menace d’un glissement de terrain. Les associations pour la protection de l’environnement font directement le lien avec l’exploitation de la sablière. Mohamed Bouaziz est plus que jamais déterminé. «Cette affaire doit être un exemple pour toutes les autres régions du pays, notamment pour les villes côtières. Le respect des lois, la propriété privée et le respect des procédures restent un fardeau dont peu se soucient.» Nous avons tenté d’entrer, en vain, dans l’entreprise Graniski. Quant à son propriétaire, il reste introuvable.

Meziane Abane
El Watan

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